| 
      
       
 
 Réalisation du Petit Séminaire de Saint-Roch Caroline WOLF - Emmanuelle VANBRABANT - Année académique 1999 - 2000 
 
 
 
 INTRODUCTION Entre un ciel espéré, souhaité 
        et prié avec ferveur, et une terre sépulcrale, noire, humide, crainte 
        et redoutée, la mer s'impose comme le seul des trois éléments naturels 
        qui fasse partie intégrante de la vie de l'homme. Car l'homme n'a jamais 
        renoncé à ses droits d'enfant de la mer.  La mer païenne a fait naître 
        dans l'esprit des hommes nombre de dieux à apaiser ou à solliciter, nombre 
        de déesses et de nymphes, de tritons et autres divinités toujours en quête 
        d'offrandes et de sacrifices, au point d'aller jusqu'à imposer aux marins 
        une véritable cohorte d'habitants mythologiques et sacrés, divins et surnaturels, 
        les uns monstrueux, les autres bienfaisants, mais tous étonnants, à la 
        morphologie étrange, empruntée à la fois aux mondes humain et animal. 
         Pour calmer les divinités, l'idée 
        de sacrifices s'est très vite imposée. Monstres et dieux étaient si étroitement 
        associés que le mot " requin ", à l'étymologie fort obscure, aurait pour 
        origine, dit-on, le mot " requiem" : prière pour les morts. Sacrifices 
        presque toujours beaucoup plus sanguinaires que les monstres eux-mêmes 
        comme en fit la tragique expérience le malheureux Jonas, tiré au sort, 
        jeté à la mer et avalé par une baleine.  Très tôt, les grecs ont créé 
        toute une hiérarchie de personnages fantasmagoriques, au corps monstrueux, 
        généralement mi-humain, mi-animal : monstres à plusieurs têtes, à plusieurs 
        corps, pourvus de cous tentaculaires, de têtes d'hommes et de poitrines 
        de femmes, et qui s'achevaient en une ou deux queues, de poissons ou d'oiseaux. 
         
 Certains de ceux-là s'élevaient 
        des profondeurs de la mer pour poursuivre les bateaux et s'emparer des 
        malheureux marins. La mer se prête à la légende car elle irrite les passions, 
        les déchirements, l'angoisse des mères, des épouses, des filles. Par exemple, 
        pour la femme du marin, la mer est la pire des rivales, une maîtresse 
        qui ne rendra jamais l'homme après l'étreinte (fatale ?).  Présentes dans les mythologies, les sirènes occupent une place privilégiée dans notre imaginaire. Figures étranges et fatales de l'éternel féminin, elles ont quitté le monde des dieux pour s'associer à jamais au monde de la mer. 
 Filles de Melpomène, la muse 
        du chant et de la tragédie, et Achéloos (fils d'Océanos et de Téthys), 
        génies de la séduction, de la mort et de la musique funèbre, les sirènes 
        sont représentées d'abord sur les tombes égyptiennes, avec une tête et 
        des pieds de femme, mais avec un corps et des ailes d'oiseaux, puis, plus 
        tardivement, sous forme de poisson, avec une tête et une poitrine de femme 
        qui émergent d'une rutilante queue d'écailles. Queue de poisson qui symbolise 
        une sorte de serpent et qui fait d'elle un véritable démon femelle. Femme-oiseau, 
        la sirène symbolisait las âmes des morts au moment de leur séparation 
        d'avec le corps. Les sirènes tirent leur nom de grec " seirazein " qui 
        signifie " attacher avec une corde ". Les sirènes chantent la mer, d'une 
        voix captivante héritée de leur mère, accompagnées d'une lyre ou d'une 
        double flûte, afin de charmer les malheureux marins privés de femmes depuis 
        trop longtemps, de les attirer sur les écueils et de les dévorer. Néanmoins, 
        elles sont créatures vulnérables puisqu'un ancien oracle leur à prédit 
        un jour qu'elles n'existeraient que tant qu'elles réussiraient à charmer 
        les navigateurs, et qu'elles périraient le jour où l'un d'eux leur 
        résisterait.  Selon les anciens récits, le serpent de mer serait un animal des plus dangereux qui pouvait mesurer plusieurs dizaines de mètres de long. 
 Il attaquait les navires pour les faire sombrer, après quoi il dévorait les matelots. Ceux-ci connaissaient une méthode fort simple pour mettre les serpents en fuite : enduire le pont du navire de musc car ces derniers ne supportaient pas cette odeur. A l'origine, le dauphin était un homme. Dionysos s'embarqua un jour sur un navire pour se rendre à Nascos, mais des pirates s'étaient introduits dans l'équipage et dirigeaient le navire vers l'Asie. Alors Dionysos paralysa le bateau avec des guirlandes de vignes, si bien que les pirates, devenus fous, se précipitèrent dans la mer où ils devinrent des dauphins. Ceci explique que les dauphins soient les amis des hommes et s'efforcent de les sauver dans les naufrages car ce sont des pirates repentis. Symboles de sagesse et de prudence, remarqués très tôt par les navigateurs pour leur intelligence et leur complicité, les dauphins transportent les hommes, vivants ou morts sur leur dos. La mer a toujours engendré de grandes peurs. Les Latins disaient prudemment : " Louez la mer, mais tenez vous sur le rivage ". Dans toute l'Europe médiévale et moderne, cette peur est profondément ancrée (Même en Hollande, patrie des gueux de la mer). Car la tempête ne cesse de menacer, du plus petit radeau jusqu'au plus puissant vaisseau de guerre de la flotte. La mer tempétueuse suscite l'angoisse du marin et la peur du risque qu'il encourt : le naufrage. 
 Celui-ci est omniprésent dans les chroniques médiévales. La mort guette toujours le marin mais également les terriens, lorsque la mer en furie, authentique raz-de marée, monte à l'assaut du rivage. D'autres fléaux propagés par la navigation sont encore plus terribles que la tempête et que la foudre car ils entraînent une mortalité bien plus importante que celle liée au naufrage d'un simple navire. Ainsi, la célèbre peste noire de 1348 emporta un bon tiers de l'Europe. Elle conserva jusqu'au XVIIIème siècle un caractère mystérieux et imprévisible. Synonyme de " contagion ", de " grande mortalité " et symbole de mort (les trois quarts des pestiférés en meurent), elle ravagea la France. Face au danger venant de la mer, les autorités municipales locales se mobilisèrent, entre le XVIème et le XVIIIème siècle, avec de plus en plus d'efficacité. Elles tentèrent régulièrement d'enrayer le fléau en prenant plusieurs mesures : établissement de cordons sanitaires, nécessité, pour les capitaines, de présenter des " certificats de santé ", attestant qu'ils n'avaient point de malades à bord; " billets de transport " prouvant que les marchandises à débarquer ne venaient point d'un port contaminé; enfin, tout navire ne devait débarquer hommes et marchandises que quarante jours après son appareillage. La mer signifie souvent envahisseur. 
        D'où la volonté des hommes de se protéger du côté de la mer grâce à toute 
        une panoplie de moyens de défense : ports nouveaux, enceintes fortifiées, 
        tours littorales et crénelées, estacades de bois, de pieux et de chaînes 
        montés sur de vieux vaisseaux pourris et coulés une fois remplis de pierres. 
         d. La mer, une image de vie et de mort La mort ne s'oppose pas à la 
        vie, dont elle serait la négation, mais à la naissance, et elle se présente 
        par conséquent dans la plupart des religions comme une " re " naissance, 
        ou un passage obligé vers la résurrection. Dans la plupart des civilisations, 
        l'eau constitue l'élément premier. Celui qui existait avant la création. 
        Tout va à la mort, tout vient de la mer. Dans toutes les religions, la 
        Mer - dont le symbolisme général rejoint celui de l'eau purificatrice 
        - est omniprésente; même si, suivant les différentes religions, la mer 
        se confond avec les principes fondamentaux (l'intelligence, la beauté, 
        la vie). La mer de la nuit et l'image de la barque se trouvent omniprésentes 
        dans toutes les légendes funèbres, que ce soit chez les Grecs, les Egyptiens 
        ou chez les Mésopotamiens, on confiait les défunts à une barque, lâchée 
        sur un fleuve qui allait gagner la mer, ou directement sur la mer elle-même. 
         
 " … ô Mer, tu es si puissante, que les hommes l'ont appris à leurs propres dépens. Ils ont beau employer toutes les ressources de leur génie… incapables de te dominer. Ils ont trouvé leur maître. Je dis qu'ils ont trouvé quelque chose de plus fort qu'eux. (…) La peur que tu leur inspires est telle qu'ils te respectent. Malgré cela, tu fais valser leurs plus lourdes machines avec grâce, élégance et facilité. (…) C'est pourquoi, je te donnerais tout mon amour (et nul ne sait la quantité d'amour que contiennent mes aspirations vers le beau), si tu ne me faisais douloureusement penser à mes semblables, qui forment avec toi le plus ironique contraste, l'antithèse la plus bouffonne que l'on ait jamais vue dans la création.(…). " Lautréamont, Les Chants de Maldoror 
 ROUX Michel, L'imaginaire 
        marin des français, L'Harmaton 1997  
  |