Section Liège-Belgique

Menu général
Réflexions Les Expos Les Artistes



Proposition d’une base de réflexion pour une approche de l’art contemporain : un texte sur l’art contemporain de Catherine Millet paru dans l’avant-propos de son livre "L’art contemporain" Edition Flammarion (Collection Dominos), 1997.

Catherine Millet est critique d’art et dirige aujourd’hui la rédaction de la revue Art press. Elle a été commissaire de plusieurs expositions. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages dont Les espaces utopiques de l’art1994.

Le choix de ce texte pourrait permettre une approche plus nuancée du phénomène par les étudiants et les professeurs qui participent au projet.

Nous devons nous rendre à cette évidence, quoi qu’en aient à souffrir les puristes : l’art en train de se faire n’a pas toujours été "contemporain". Ou encore : on ne s’est pas toujours senti contemporain de l’art en train de se faire. En effet, "art contemporain"est une expression qui s’est imposée surtout à partir des années 80, supplantant alors "avant-garde", "art vivant", "art actuel". Elle possède les qualités des expressions toutes faites, suffisamment large pour se glisser dans une phrase lorsque l’on manque d’une désignation plus précise, mais suffisamment explicite pour que l’interlocuteur comprenne que l’on parle d’une certaine forme d’art, et non pas de tout l’art produit par tous les artistes aujourd’hui vivants et qui sont donc nos contemporains. [...]

Un questionnaire a été envoyé à une centaine de musées d’art moderne, d’art contemporain, ou d’art moderne et contemporain, à travers le monde [...]. ¿ la question : "Considérez-vous que tout l’art produit aujourd’hui est "contemporain"?", une grande majorité a répondu : "Oui/non."Démocrates, les conservateurs de musées s’en voudraient d’exclure a priori de leur champ d’intérêt certaines catégories d’œuvres. Mais... en dépit de l’état d’esprit régnant, postmoderne, qui accepte tous les styles, ils posent des conditions. Exemples.

Philadelphia Museum of Art : "Oui"dans la mesure où nous employons généralement le terme "contemporain"dans un sens chronologique. Mais "non"dans la mesure où nous tendons aussi à nous focaliser sur le travail nouveau le plus aigu ( "cutting edge"). Si bien qu’une œuvre d’art très traditionnelle, mais nouvellement réalisée, nécessiterait d’être qualifiée par quelque chose du genre "contemporain dans un style traditionnel"..."

Centro per l’art contemporanea Luigi Pecci (Prato) : "Les formes artistiques peuvent être divisées en : traditionnelles, telles que peintures, sculptures, installations fixes ; et en expérimentales, telles que performances, art conceptuel, art électronique. La différence semble se situer entre les "oeuvres d’art"et la contamination des formes visuelles, littéraires, théâtrales, musicales, chorégraphiques, ou du design, par les nouveautés technologiques, et la combinaison de ces formes avec ces nouveautés."

Musée d’art contemporain de Montréal : "Est forcément contemporain tout l’art qui se fait aujourd’hui. Cependant, la question qui doit être envisagée est celle de l’esprit avec lequel cet art est réalisé. Ce qui retient plutôt notre attention, c’est un art qui explore des champs nouveaux de création, en prenant en compte les acquis de nos civilisations, ou qui renouvelle des formes d’expression artistique existantes en poussant au-delà la réflexion."

Les conservateurs de musée, selon toute apparence, ont été les premiers à envisager la notion d’art contemporain, d’où le fait d’avoir d’abord mené l’enquête auprès d’eux. [...] Les opinions divergent. Dans Paradoxe sur le conservateur, Jean Clair -lui-même conservateur et organisateur de nombreuses expositions rétrospectives de la modernité - affirme carrément que pour lui un "musée d’art contemporain"est une "absurdité dans les termes". Alors que son confrère hollandais Jan Debbaut, qui ne nie pas les contradictions dans lesquelles il est pris, se résout à assumer cette mission impossible. Il déclarait dans un colloque : "Le premier problème qui se pose pour le conservateur, c’est la définition et l’interprétation du nom même de son institution : musée d’art contemporain [...]. Le musée d’art contemporain s’occupe par définition du changement dans l’art [...]. Il s’ensuit donc indéniablement que le musée d’art contemporain dérange de façon continue un système à la recherche d’un équilibre [...]. Il provoque de ce fait des tensions et rend la vie difficile au public."

(Retour ARTE HomePage)